Témoignage de

Lucien

Je suis arrivé au Témiscouata après une séries d’épreuves et aussi à la suite de la mort de mon père. Pris dans une tourmente de dépendance aux drogues fortes, je voulais procéder à une désintoxication géographique. À cette époque, c’était une des façons de se sortir de problèmes de dépendances aux drogues dures : en coupant les ponts avec le milieu dans lequel j’étais, cela permettait de couper les sources d’approvisionnements. Dans un milieu où on ne connaît personne, il y a moins de tentations et cela permet une désintoxication. À mon arrivée et en expliquant mon état, l’agente a été compréhensive. Il me fallait une période d’adaptation à ce nouveau milieu. Passer d’un régime citadin à un milieu rural en plein hiver, ce n’était pas évident, mais je me donnais toutes les chances afin d’atteindre mon objectif. Le printemps venu, j’ai commencé à faire des petits boulots que je déclarais, profitant du 200$ de gains de travail que le régime me permettait. Ceci m’a permis de me bâtir un petit réseau tout en mettant en valeur les compétences que je possédais déjà.

Par la suite, j’ai participé à différents programmes d’insertion en emploi et d’un programme de subvention salariale. Un peu plus tard,  j’ai eu une formation en démarrage d’entreprise.

Ce ne fut pas toujours facile, chaque pas est un défi, mais de petite victoire en petite victoire, tranquillement, je m’en suis sorti.

L’implication dans mon nouveau milieu a été une bonne façon de réseauter et de créer un cercle social agréable et motivant.

Une chose importante doit rester malgré les coups durs qu’on peut traverser: garder l’espoir!

Témoignage réel, nom fictif

Témoignage de

Jacinthe

Je suis une femme de 58 ans, mère de 5 enfants.

Il y a quelques années, j’ai dû trouver refuge dans une maison pour femme victime de violence avec mes enfants. Ma vie en fut changée à jamais.

Un syndrome de stress post-traumatique, dont j’ignorais l’existence, et les particularités de certains de mes enfants (un TDAH et un Asperger) m’ont compliqué l’accès au marché du travail. J’ai un parcours professionnel atypique marqué par la précarité et j’ai passé une bonne partie de ma vie sur l’aide sociale.

Quand tu reçois ton chèque de B.S. le premier du mois, tu paies ton loyer, ton hydro, ton téléphone, de l’épicerie pis c’est à peu près tout. Le reste du mois tu restes confiné chez toi parce que t’as pu d’argent.

Mais le pire quand t’es pauvre, c’est comment le monde en général te regarde et parle de toi : gros lâche, profiteur, parasite, paresseux, imbécile, famille de fous. C’est le genre de propos qu’on entend régulièrement quand on est une personne comme moi. Ça, c’est de la violence verbale gratuite et c’est pas bon pour la santé mentale de personne. Moi, j’ai bien éduqué mes enfants! Même à l’école primaire, mes enfants se sont fait adresser ce genre de propos. Y’en a un qui a même déjà fait pisser sur son linge d’éducation physique en cinquième année, pis tous ses camarades de classe ont ri… et après on dit que c’est les pauvres qui sont asociables? Y’é p’t’être temps qu’on se pose des questions comme société!

J’écoute les nouvelles à tous les jours et on ne parle pas de pauvreté. On ignore ces personnes complètement, ça aussi, c’est violent. Comme femme qui voit certains de ses proches affectés par cette problématique de société, quand je vois mes enfants qui ont faim, ça me révolte. Je suis indignée!

Moi, je les connais mes enfants, j’connais leur intelligence, leurs talents, leur bon cœur, leur résilience. Y’ont peut-être pas toujours fait des bons choix mais ils ne méritent pas cette vie-là. Personne ne mérite cette vie-là!

Quant à moi, la pauvreté aura eu raison de ma santé physique et de ma santé mentale. J’suis rendu incapable d’intégrer le marché du travail conventionnel. Ma contribution à la société, j’peux l’apporter grâce à un P.A.A.S.** dans un organisme communautaire qui est capable de m’offrir un cadre adapté à ma condition de santé qui, elle, varie régulièrement. Socialement, c’est tout c’qui m’reste. Ça me donne une voix et ça donne un sens à mon expérience de vie insensée.

 ** P.A.A.S. : Programme d’aide et d’accompagnement social (Emploi-Québec)

Témoignage réel, nom fictif

 

Témoignage de

Patrice

À 20 ans, une importante maladie émotionnelle manifestait ses premiers symptômes en moi. J’étais jeune, je revenais d’un séjour travail/immersion en Europe et je me préparais à retourner sur les bancs d’école à l’Université Laval.

Pour payer mon loyer et un peu d’épicerie, je suis allé m’inscrire au B.S.; de cette façon, on m’a donné un peu d’argent, mais aussi une somme énorme de culpabilité.

On dit souvent que les B.S. ne veulent pas travailler. En fait, la plupart du temps, c’est le contraire. Ils veulent travailler, mais ils ne savent plus comment rejoindre la barque du marché du travail. Ils sont prisonniers du tourbillon des dépendances, ils ont été trop longtemps en-dehors du courant et du rythme de la société; face aux préjugés continuels, ils ont perdu leur estime personnelle et ne sont plus assez agressifs pour se tailler une place dans la jungle de la réussite sociale!

L’aide sociale peut te proposer plusieurs choix, mais un seul compte pour la société: retourner travailler. Les autres choix sont pour ainsi dire des fantômes. La peur, l’isolement, la colère, la perte de confiance et le désespoir sont autant de barrières qui s’additionnent et s’entremêlent pour empêcher de se raccrocher solidement à la vague de la population active qui est en emploi.

J’ai fait le choix honteux de ne pas travailler, parce que j’angoissais, parce que j’avais mal en-dedans, parce que je voulais éviter la confrontation avec la société. Parce que tu peux pas te retrouver sur le B.S. et être positif, c’est impossible. Le monde en parle trop en mal. Se retrouver à l’aide sociale, c’est à coup sûr recevoir un karma négatif!

Quand on devient esclave de sa propre liberté, quand le temps libre est pire que le travail, petit à petit, notre fragile radeau de B.S. fait avec des retailles ne fait pas le poids face au désarroi de la culpabilité et de l’isolement.

Malgré toutes les difficultés, j’essaie encore de dominer mon état pour en faire quelque chose de mieux.

Lorsqu’on se rend compte que les préjugés sont un manque d’amour, un manque de connaissance de l’autre et de soi-même, on commence alors un travail sur soi qui n’est pas près de finir, mais qui nous transforme.

Je voudrais remercier tous ceux pour qui l’aide sociale n’est pas un crime. Ceux qui donnent inconditionnellement et qui savent reconnaître le beau et le bon en nous. À ces ninjas sociaux, je dis merci.

Témoignage réel, nom fictif

 

Témoignage de

Stéphane

Il y a quelques années, j’ai décidé de quitter la grande ville pour la région du Témiscouata, afin de me rapprocher de ma famille. Je venais de passer au travers d’une grave dépression, ce qui compliquait mes séquelles physiques suite à un accident de travail.

À mon arrivée ici, j’ai commencé à faire du bénévolat au RASST. On m’a accueilli et on m’a aidé à m’intégrer dans mon nouveau milieu de vie. Les tâches et les responsabilités que je devais effectuer m’ont permis de me reprendre en main.

Le travail d’équipe et le fait de me sentir utile ont contribué à me remonter le moral. J’ai appris à mieux me connaître et à reconnaître mes limites. J’ai de la difficulté avec la clientèle qui nous juge ou qui profite de nous, parce qu’ici, il n’y a pas de jugement. Je trouve cela injuste même si je sais que je ne suis pas parfait.

Le bénévolat me permet d’avoir un meilleur équilibre. Ça me rend heureux parce que j’ai aidé beaucoup de gens. Nous les accueillons et tout le monde s’entraide. Ensemble, nous trouvons des solutions et je peux même transmettre mon expérience et mes connaissances.

Je suis persuadé que nous pouvons changer les préjugés que la société a envers les gens à faible revenu. Personne n’est à l’abri d’une épreuve qui peut faire basculer leur vie et nous sommes là pour leur venir en aide.

Témoignage réel, nom fictif

 

Témoignage de

Françoise

Je demeure avec ma mère âgée dans un rang dans une petite localité du Témiscouata. Je suis sur l’aide de derniers recours. À un certain moment j’ai dû faire un choix pas facile: soit je laissais ma mère seule dans sa maison avec son handicap (un problème au-niveau des jambes l’empêchant de se déplacer correctement) et je déménageais pour me trouver un emploi, soit je demeurais avec elle pour m’en occuper. Dans mon cœur de fille, j’ai pris la décision de ne pas l’abandonner à son triste sort et de vivre avec elle.

Mais voilà ! Avec cette décision viennent des conséquences. Au ministère de l’emploi et de la solidarité, je suis une personne apte à travailler. Selon la loi, je dois faire des démarches pour me trouver un emploi sinon ce sont des menaces constantes de diminuer mes prestations. J’aimerais bien me trouver un emploi pour avoir plus d’argent et ne plus subir de préjugés. La réalité est que je ne possède pas de permis de conduire ni de voisins proches pour pouvoir me déplacer. Nos commissions se font en gros une fois par mois. J’aimerais bien améliorer mon sort mais pour des raisons monétaires je ne peux pas prendre mon cours de conduite. Puis dans le cas où je réussirais à me ramasser de l’argent pour les cours et le permis, ce n’est pas fini: ça prend de l’argent pour l’achat d’une auto usagée, l’entretien, les réparations, l’enregistrement et l’assurance. Je ne pourrais pas tout couvrir avec mon 726$ par mois.

Heureusement, depuis plusieurs années, j’ai le transport collectif et je peux le prendre à des jours bien spécifiques car il y a des écoliers ici qui sont usagers du transport. Pour des raisons d’éloignement l’embarquement se fait chez nous, sinon ce sont des points déterminés. Depuis plusieurs années, je m’implique comme bénévole dans la région et depuis peu je suis sur le programme PAAS** à trois jours par semaine.

J’aimerais que le gouvernement injecte plus d’argent dans le transport collectif au Témiscouata pour développer d’autres trajets et augmenter la fréquence de service de trois à cinq jours par semaine. De cette façon, bien des gens pourraient trouver un emploi à temps plein et ça serait bon aussi pour l’environnement avec moins d’autos pour polluer. L’argent va beaucoup trop dans les grands centres, selon moi. Pour chaque personne les situations sont différentes, parfois entre le vouloir et le pouvoir, il y a une marge.

** P.A.A.S. : Programme d’aide et d’accompagnement social (Emploi-Québec)

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